Aron Ralston: “Tout le monde se serait amputé ! ”(15/02/2011) Aron Ralston pense que chacun se couperait le bras pour sauver sa vie ! Son histoire est relatée dans 127 heures, qui sort en salle demain
envoyé spécial en Angleterre Patrick Laurent
LONDRES Son histoire est incroyable. Terrifiante. Et pourtant, Aron Ralston la relate avec un grand sourire. Et une sérénité désarmante. “Cela paraît choquant quand je dis cela, mais j’estime avoir eu énormément de chance. Je suis toujours en vie… ”
Son parcours aurait pu s’arrêter, en effet, en mai 2003. Au fond d’un minuscule boyau, à six mètres sous terre, dans les gorges de l’Utah. Seul, dans une zone nullement couverte par les antennes GSM, il monte sur un rocher avant de se laisser glisser dans l’étroit passage. Son poids fait basculer le roc. Par réflexe, il tente de le retenir. Mauvaise idée : son bras droit se retrouve écrasé entre la paroi et la masse ronde de plusieurs centaines de kilos.
Pris au piège, il ne parvient pas à le dégager, en dépit d’efforts inouïs. Son calvaire, relaté dans son livre Between a Rock and a Hard Place , va durer 127 h (d’où le titre du film de Danny Boyle). Personne ne sait où il est, ses proches sont habitués à ses longues escapades, les secours n’arriveront jamais. En attendant la mort, il se filme, repense à son existence, tente de gratter la pierre, économise l’eau. Alors qu’il pense sa dernière heure venue, une évidence transperce son esprit. Avec son canif élimé, il commence à couper son bras.
“Mon couteau est rentré dans mes chairs comme dans du beurre. Du gaz s’est échappé. Cela sentait très mauvais. Je me trouvais dans un état particulier, hyperémotionnel. En rage et discipliné en même temps. À la fin, j’ai utilisé le rocher pour casser l’os. La douleur était bien plus intense que tout ce que j’avais connu . Et pourtant, j’étais heureux quand j’ai enfin pu me dégager. C’était une délivrance. J’ai eu le sentiment de renaître. J’ai pleuré. De joie.
La souffrance ne comptait pas par rapport à ce que je ressentais à ce moment-là. D’ailleurs, j’ai pris une photo de mon bras coincé. ”
Le plaisir qu’il prend à relater les faits surprend. Et il le sait. “Je ne m’en rendais pas compte, mais je pratiquais la fuite en avant. Je ne prévenais personne de ce que je faisais, je prenais de plus en plus de risques. Il était fatal que cela se termine mal. J’aurais pu mourir. Alors que moi, j’ai eu droit à une deuxième chance. Cette expérience m’a complètement changé. ”
Ce qui ne l’empêche pas de continuer à faire de l’escalade ou de partir à l’aventure. “Oui, mais maintenant, je préviens toujours pour dire où je suis. ” Puis il montre fièrement les crochets interchangeables dont il dispose pour prendre les objets ou partir à l’assaut d’un sommet. “La plupart des gens estiment qu’ils auraient été incapables de faire la même chose que moi, d’amputer leur propre bras. Je pense qu’ils se trompent. Tout le monde agirait de la même façon. C’est juste une question de vie ou de mort. ”
L’idée donne froid dans le dos. Mais la rencontre avec cet incroyable Américain de 35 ans donne un fameux coup de fouet au moral. Comme son livre. Ou le film de Danny Boyle, 127 heures , qui lui est consacré.
Interview > Patrick Laurent
© La Dernière Heure 2011
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